2 claques littéraires
Mes grosses claques littéraires de 2018 (pour l'instant) sont toutes 2 publiées aux éditions Gallmeister et je n'y suis pour rien! J'ai eu d'autres émerveillements bien sûr mais ceux-ci sont particulièrement marquants.
Mon désir le plus ardent de Pete Fromm, éditions Gallmeister (traduit par Julianne Nivelt)
Le début: Maddy et Dalt, 2 jeunes guides de pêche du Wyoming, tombent amoureux. D'un amour absolu, fusionnel. Une belle vie s'offre à eux sauf que Maddy est rapidement atteinte des symptômes de la sclérose en plaques. Une belle saleté avec laquelle ils devront composer.
Sur le papier, cette histoire pourrait donner lieu à une insipide bluette mais je vous assure que c'est à une histoire d'amour à nulle autre pareille que l'on a affaire! Dans la façon dont elle nous ait racontée: sans fioritures, réaliste, d'une grande justesse, qui n'élude rien mais aussi passionnelle, sensuelle, émouvante. Dans la nature des personnages: exigeants envers eux-même, envers leur amour, fidèles à leurs idéaux, une Maddy tenace et courageuse. Dans la construction: on plonge dans les moments les plus importants de leur vie par ellipses, ce qui donne de l'intensité et du rythme au récit.
Une histoire racontée sous le signe de la vérité, poignante mais qui ne manque pas pour autant d'humour.
De Pete Fromm, j'ai lu avec passion les récits et les nouvelles dont Indian Creek et la suite. Je me dis qu'il a bien fait d'aller surveiller des oeufs de saumon dans les Rocheuses en plein hiver et d'y découvrir sa vocation d'écrivain...
"Les coups d’œil. Les regards ébahis. Les œillades furtives. Ils plongent Dalt dans une fureur biblique. À deux doigts du châtiment divin. Du calme mon grand, ce n’est pas pour moi. Une vieille chouette en fauteuil roulant, le bras secoué de spasmes ? Ils en ont vu d’autres. Allons, allons. Ce qui fait tourner les têtes, ce qui décroche les mâchoires, c’est Dalt en train de pousser le fauteuil. Dalt, l’inspiration originelle du David de Michel-Ange, maqué avec cette harpie? Évidemment qu’ils nous fixent, évidemment qu’ils se posent des questions. Je m’en pose bien, moi.
Mais si je suis dans un bon jour, que les mots glissent facilement le long de mes synapses en loques, je leur dis :
-Et encore, ça, ce n’est rien. Vous devriez nous voir au lit."
My absolute darling de Gabriel Tallent, éditions Gallmeister (traduit par Laura Derajinski)
Comment ne pas parler de ce roman? Mais comment en parler?
Turtle, une ado de 14 ans, vit loin de tous avec son père, un survivaliste paranoïaque aimant maladivement sa fille unique qu'il élève seul. On le comprend assez rapidement tant leur relation est étrange: Turtle est abusée par son père.
C'est un roman que je ne peux pas conseiller à tout le monde tant la manière dont est racontée cette histoire d'inceste peut être gênante, choquante. Choquant car il évoque les paradoxes les plus tabous de l'inceste: l'amour malgré tout, le plaisir qui peut être ressenti par la victime, la haine en même temps. Gabriel Tallent parvient à incarner cette ambivalence, à montrer combien il est difficile de s'affranchir de ce genre de domination.
Heureusement, elle rencontre avec des garçons de son âge, elle découverte une famille à peu près normale qui peu à peu lui ouvre les yeux et l'aide à s'affranchir. Non sans mal et dans une incroyable scène de chasse à l'homme presque finale.
Ecrit dans une langue fabuleuse qui rend à merveille le caractère oppressant de la situation ainsi que la nature qui entoure, enveloppe ou menace ses personnages. On ne peut s'empêcher d'être impressionné par le fait qu'il s'agisse d'un 1er roman... Et ce personnage de Turtle dont on suit les tournments intérieurs est une véritable prouesse littéraire.
Une interview pour Quai du Polar où Gabriel Tallent parle de son roman: